L’année dernière MA-Editions publiait Le cri de l’ange , premier volet des aventures de Lee Campbell, profiler imaginé par C.E Lawrence.
Outre atlantique, ce nouvel opus intitulé Le collectionneur de chair (Silent victim) a connu deux suites (l’ensemble constitue « the silent series »), qui espérons-le, seront également éditées en France (très vite !), tant on reste sur sa faim.
Les deux romans peuvent se lire individuellement : j’ai apprécié ce livre sans avoir lu le premier opus de la série.
Il n’en reste pas moins un fil rouge apparent : des questions restent en suspens à la fin du collectionneur de chair : le héros n’a pas élucidé la disparition de sa sœur, mais il n’empêche que l’enquête principale, qui va le renvoyer aussi à cette blessure intime, est bouclée. L’ensemble est compréhensible.
On a aussi bien envie de découvrir ce qui précède, que ce qui va suivre.
Une fois de plus, Lee Campbell, vient en aide à la police new yorkaise qui soupçonne l’apparition d’un nouveau tueur en série après l’autopsie de deux cadavres. Deux noyés, un dans sa baignoire, l’autre dans l’East River, et qui n’ont pas mis leur fin à leurs jours ; comme on l’avait tout d’abord pensé.
Ce pressentiment se confirme quelques jours plus tard, après la découverte d’un autre cadavre : Ana, une ancienne patiente, qui a tenté par ailleurs de reprendre contact avec Campbell quelques heures avant sa mort.
Le profil du tueur parait peu conventionnel à la première approche.
J’hésite à qualifier ce roman de thriller, tant son rythme me parait plus proche d’un policier classique, d’un roman noir, que des productions estampillées comme telles (certes, le héros n’est pas policier à proprement parler et pour les puristes c’est là où se fait la distinction).
L’auteure, C.E Lawrence, s’appuie d’avantage sur les personnages, leur environnement (des descriptions pointilleuses), dans un style d’écriture presque détonant tant il parait élaboré par moment, et finalement bien plus agréable à lire que les techniques du « page-turning » dont la recette a fini par banaliser le genre.
Si Lee Campbell est sans conteste l’objet de plus d’attention, les autres protagonistes qui gravitent autour de lui sont on ne peut plus intriguant, et finalement intéressants. L’incontournable inspecteur Leonard Butts mérite sans aucun doute d’autres développements, tout autant que la froide Elena Krieger, le mystérieux Diesel ou bien Kathy la petite amie de Lee.
Ils apparaissent extrêmement « humains ».
Le « tueur », quant à lui, s’il apparait quelque peu caricatural dans certains passages de sa présentation, ne se révèle pas moins fascinant au final, notamment de par sa présentation au travers le travail de profilage auquel s’exercent les enquêteurs ; là aussi relativement subtile en comparaison de ce qui peut se voir ou se lire à l’heure actuelle.
A noter, qu’on ne sombre pas dans la surenchère à outrance en ce qui concerne les scènes de crime (autre phénomène plus au moins horripilant ces dernières années dans les thrillers), le rebondissement final est pour le moins original et apparait comme parfaitement logique.
On sent une véritable personnalité chez C.E Lawrence (ou Carole Buggé), femme qui se révèle, quand on surfe sur son site, être une artiste complète.
Le collectionneur de chair laisse transparaître des intérêts pour diverses disciplines (le théâtre, la philosophie, l’hypnose), ou milieux (« le monde de la nuit » est présenté sans aucune exagération je pense), et vient s’inscrire dans le contexte particulier du New York post 11 septembre. Drame municipal et international reprit à plusieurs reprises dans d’autres œuvres, mais jamais à mon sens pour étayer une intrigue de façon aussi judicieuse : le choc suscité par l’attentat du World Trade Center vient s’ajouter à une ambiance déjà dépressive pour d’autres raisons et étaye la difficulté intrinsèque de son héros à assembler les pièces du puzzle de la personnalité du tueur. Un enjeu psychologique supplémentaire qui vient s’ajouter aux préoccupations légitimes des forces de l’ordre new yorkaises.
Le collectionneur de chair même s’il reprend un style de récit très largement éculé depuis Le silence des agneaux de Thomas Harris, n’en reste pas moins un roman remarquable et vient s’ajouter au catalogue d’une maison d’édition (MA-Editions) qui m’apparait également digne du plus grand intérêt ( Les justes de Michael Wallace que j’ai lu récemment dénotait lui aussi du reste de la production habituelle).
Certes, c’est la rentrée littéraire, mais si l’envie vous prend de lire un roman de genre, laissez-vous tenter par celui-là !